dimanche 24 juin 2012

À TRAVERS LES BRUMES: Mémoire de printemps éternel pour Dédé et René


Dédé Fortin, Festival d'été, 11 juillet 1999






LXXXVI

PAYSAGE

Charles Baudelaire
Les Fleurs du mal
(1861)

Je veux, pour composer chastement mes églogues,
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers, écouter en rêvant
Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l’atelier qui chante et qui bavarde ;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d’éternité.
Il est doux, à travers les brumes, de voir naître
L’étoile dans l’azur, la lampe à la fenêtre,
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune
verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes ;
Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d’eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l’Idylle a de plus enfantin.
L’Émeute, tempêtant vainement à ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre ;
Car je serai plongé dans cette volupté
D’évoquer le Printemps avec ma volonté,
De tirer un soleil de mon cœur, et de faire
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.



René Lévesque, Parlement de Québec
Photo: L.L.


Mardi 24 juin 2008
BROTHERIES



Leur attitude au sage enseigne /
Qu'il faut en ce monde qu'il craigne /
Le tumulte et le mouvement;


Charles Baudelaire
Les hiboux  



La fête était commencée depuis plus d'une journée. Les estivants se baladaient dans les rues. Ils remarquaient nos avenues. Ils dévisageaient notre Histoire. Humaient les fleurs de nos plates-bandes, mais les critiquaient; elles, gonflées de nos perlantes sueurs, dessinées par les gestes de nos cœurs. Puis ils remontèrent la Grande-Allée car il y aurait sans doute bientôt un grand défilé. Et peut-être aussi quelques discours enflammés. Mais ils avaient soif de bière et de mots nouveaux, alors ils sont entrés pour s'abreuver dans le Bar des Quêteux de Mots, là où en trouvaient encore de fort beaux...On ne sait plus trop où ils sont allés s'échouer après avoir écouter quelques-uns de ces poètes ébréchés, probablement au pied d'une statue bronzée dans le Parc des Gouvernés. Pour prendre un peu d'ombrage, pour aller se reposer. L'ombrage que les statues voudraient bien encore leur donner. Ils entendirent des voix fulminer dans le rêve qu'ils firent, allongés.... "Ils n'ont pas le droit de profiter de l'Ombre que l'on leur donne dans ce parterre, s'ils ne savent pas ce qu'il y a eu de misère à être de ces anciens hommes. Ils nous prennent pour des monuments sans poussière, pour des héros imaginaires, alors que nous avons été également des anciens amants, des petits pères, des moyens époux, des demi frères, des grands manitous, des grands marabouts. Dans le silence de nos prières comme dans le tumulte de nos guerres, au pas ou au garde-à-vous, nous étions prêts, mais pas encore debout...Nous dormions dans le parterre, comme ces rêveurs que nous ombrageons. Pour faire une vraie révolution, ça prends plus que de la bière et des émotions...Ils n'ont pas le droit de chanter comme ils l'ont fait pour Hier, s'ils ne savent pas où se trouve l'Aujourd'hui. Ils n'ont pas le droit de se plaindre de leurs maux de dents s'ils ne savent pas comment brosser leur langue de ciment. Mais ils n'ont pas le droit de s'éteindre non plus, alors donnons-leur encore l'espoir de la flamme de nos lumières, et peut-être trouveront-ils enfin la mèche dans le fond de leur fanal." C'est ce que Le Sage disait à l'Évêque depuis le Rêve du Dormeur...Ces Hiboux qui guettent nos Lapins, Lézards, Corbeaux et Pigeons, eux, si sages et si sérieux, mais si bons qui à l'occasion pondent dans nos salons un de leurs œufs maison...

elquidam 24 juin 2008
 





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