Neige de mai à Notre-Dame-de-la-Merci
2009
« J’ai essayé
d’extérioriser l’angoisse de mes personnages dans les objets, de faire parler
les décors, de visualiser l’action scénique, de donner des images concrètes de
la frayeur ou du regret, du remords, de l’aliénation…[… en ce sens] tout devient présence, tout devient
personnage. »
Eugène IonescoNotes et Contre-notes
Réjean Vallée, qui a remplacé à pied levé un Jacques Leblanc empêché par une mise au repos imposée par son médecin (malgré lui), a tout simplement été impeccable, comme à l'accoutumée. Sa compagne, Nancy Bernier, tout aussi tordante que lumineuse le complétait à merveille. Et Jack Robitaille, en Orateur muet sur écran géant, un petit bonheur sans nom. Les rires ont fusé de toutes parts dans une Bordée remplie à ras bord. Trois rappels l’ont confirmé. Le décor: absolument génial. Faut voir cette chaise géante qui pivote au rythme de l’huile de coude des deux protagonistes. Les portes, les fenêtres, les escaliers, la lumière, la musique ! Tout était en place pour la magnifique mise en scène de M. Bertrand Alain. Tout a contribué au succès du jour.
Jeudi soir dernier, le 8, j’ai eu quelques pensées (violettes) pour ma mère et ses sœurs, mes tantes octogénaires, toutes veuves. Elles auraient probablement rit un bon coup en voyant les mimiques slapstick de la vieille, ses tendres pirouettes, à entendre les sempiternelles remontrances faites à son compagnon maréchal des logis. Mais elles auraient peut-être pleuré en les entendant parler de leur fils unique qui les a abandonné un jour pour un ailleurs qui ne se trouve pas être à deux coins rue de chez elle...
La solitude, l’ennui, et cette (in)certaine envie de les fuir. Le tournage en rond, comme des vieux hamsters dans leur cage, les anciennes histoires de leur bon vieux temps, et celles du jour, plus plates encore qu’une planche à les repasser. De l'aurore au crépuscule, leurs pas feutrés sur les planchers usés mais cirés, leurs cœurs brisés par l’arythmie, leur repos bien mérité dans leur dernier sanctuaire...
La scène est là pour recréer des ambiances, elle y fait s’y recycler des souvenirs indélébiles d’une époque encore pas si lointaine. Ceux des CHAISES datent de 1954, et j’avoue que ça ressemble parfois pas mal à aujourd’hui. Le théâtre des angoisses d’Ionesco nous promène dans les coulisses d’empereurs perchés au plafond, entre les bras d’une maman retrouvée dans la tête itinérante de l’enfance impérissable, dans la bouche d’un Orateur invisible et muet. La mort suit tout le reste mais la vie se reprend vite en main. On se lève alors pour applaudir les Comédiens qui nous ont apporté de leur lumière, de leur espérance, et l'on ne se surprend plus à les aimer de plus en plus et de mieux en mieux. Ils marchent à nos côtés, tels des amis fantômes, ils vous donnent envie d'un lift pour l'Éternité ou d'un lifting de l'Absurdité.
LES CHAISES de la Bordée: le parfait prélude pour le RHINOCÉROS du Trident. Ionesco devient, je crois bien, l'un de mes immortels préférés.
« C’est le rire du vieillard qui exprime la plus grande sagesse » dit l’axiome zen.
LE VIEIL ÂGE ET LE RIRE
de Fernand Dansereau
Texte: Eugène Ionesco
Mise en scène: Bertrand Alain
Distribution: Nancy Bernier, Réjean Vallée, Jack Robitaille
Conception
Assistance à la mise en scène: France Deslauriers
Décor: Vano Hotto
Costumes: Stéphanie Cléroux
Éclairages: Hubert Gagnon
Musique: Fabrice Tremblay
Chus ben assis dans mon salon,
Y mouille dewors su’l balcon,
Et un jour y f’ra plusse beau
dans mon bol de toilette (2x)
Bernard Adamus
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