jeudi 25 novembre 2010

UN SOFA DANS LE JARDIN: Terre des hommes, virgule...

 



« Le dur dans l'fond pis le mou en haut »


Je pose la question: les grands sauriens se sont-ils suicidés par ennui ? C’est l’hypothèse que je soumets à cette digne assemblée.

Oncle Laurent, paléontologue



Vingt-trois années s esont écoulées depuis la création de cette pièce, on ne dirait pas, l'écologie étant encore un sujet très à la mode. Le Théâtre Niveau Parking l'ayant montée comme à l'époque, le décor est donc resté le même, un décor simple mais qui ne le restera pas longtemps...



Version 1987


La chorégraphie des pelles, celle du bicycle d’exercicycle, le carré de sable, les sacs verts, la télévision dévoreuse d’âme, du rosbif dans une valise, le père vidange heures, la mère générateur, l’enfant, le dinosaure, l'oncle paléontologue…Les accumulations, la gérance des déchets, l’intermission, un monde enfoui sous les décombres, la salle remplie de rires tordus, jaunes, gras, clairs et…LE SOFA, celui sur lequel se reposent les fesses de la résistance, où sautillent les petites jambes de Charlotte...Les os de dinosaures de l’oncle Laurent, leur enfouissement, la poussière, que nous deviendrons, l’amour disparu dans nos crânes... Que ferons-nous le jour d’après? Où irons-nous camper lorsqu’il n’y aura plus un seul petit recoin de cette terre surchargée de cochonneries made in China ? Que ferons-nous auprès de nos portefeuilles vides et de nos cartes pleines ? Il faut se voir tel que l’on naît…

La couche sale des bébés désirés, le balbutiement des mères à langer, les heures d’overtime de la Charité, la nomenclature des objets volés bien identifiés, l’école/logis des futurs petits cadastrés, les contrats de mariage des bien intentionnés, les varices enflées des jambes écartelées, les foulards troués trouvés sur les bords de trottoirs égrenés, les fleurs en plastique dolloramées, les petites culottes de filles effarouchées, les coups de pelles ratés sur les terrains minés, les cellulaires allumés 24 heures sur 24, les cadres de porte pour accoter les moitiés de dessoûlées, une cigarette sirotée sur le coin d’une rue mal déglacée, des rimes en é pour éclairer la lune de l’étranger…Et quoi encore ?


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Une chance qu’UN SOFA DANS LE JARDIN est une comédie. Parmi l’assistance, un groupe d’étudiants; d’après leurs rires généreux, ils m’ont semblé avoir apprécié la pièce, mais la fille d’à mes côtés, elle, pas plus que ça. Elle semblait être plus intéressée par ses jeunes pouces qui, à défaut d’écrire des textos sur son cell, tordaient les manches de son coat de cuir, en manque probablement...de mots…Un bruit agaçant à la longue, mais c’est aussi ÇA le théâtre, endurer l’autre, qui ne l'aime pas autant que toi...

Drôle par son côté grotesque, la pièce nous transporte dans cette cour de banlieusards où l’ironie y sauvera le monde, (j’ai déjà entendu cette phrase en quelque part, probable que ce soit cet auteur jadis jeune). Plus elle avance moins on recule. La mise en scène rythmée de Michel Nadeau rend hommage à la réalité de notre beau jardin devenu dépotoir à ciel ouvert. Via la parlotte de Charlotte, nous prenons connaissance/conscience de l’absurdité de l’appât du gain des pères nourriciers qui ne veulent au fond que le bonheur de leur petite famille. Tout cet argent empilé, étalé, éparpillé, flambé, placé, sécrété par les petites cellules de l’intelligence mal gérée, on ne sait pas trop où il s’en va mais on sait d’où il vient. L’absence des pères, arbres qui ne perdent jamais leurs feuilles, leur progéniture en manque de leurs longues branches, les fleurs qui poussent dans le gazon ozité, le plastique des plats des mères-poupées, des mères qui quittent la maisonnée pour mieux y revenir, parce que finalement, la famille, ce noyau comestible fait de fibres paternelles et maternelles tient chaud les soir de grande solitude...

Parmi le brouhaha burlesque des incompréhensions du Couple Baribeau, Lucille et Paul-André, l'intelligence de Charlotte, leur unique progéniture incarnée avec brio par Marianne Marceau, une jeune comédienne que je ne connaissais pas et qui m'a agréablement surprise par sa verve et son énergie. Pour l'accoter dans ses répliques, Marie-Josée Bastien, sa mère, Nicola-Frank Vachon, son paternel, et Hugues Frenette, l'oncle Laurent et Giacomo, beau Brummel du petit écran style grosse bertha. Aussi loufoques que rassurants ce soir, des comédiens avec lesquels c'est toujours un plaisir de renouer...
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En bas dans le hall d'entrée: Jean St-Hilaire, ce critique de théâtre " plus que du bonbon " de Québec qui hélas ! ne pratique plus sa profession officiellement, mais qui vient régulièrement faire son tour dans nos grands/moyens/petits théâtres (qui nous manque encore en fait); nous étions devant Hugues Frenette et Marie-Josée Bastien, (qui n'avaient pas encore ôté leur costume de scène), c'est qu'ils s'étaient soudainement transformés en vendeurs de calendriers anniversaires, faut bien quelques deniers supplémentaires...pour les fonds de tiroirs....Un plaisir pour l'Amateur que de parler pour la première fois à l'Acteur, celui pour qui j'étais là ce soir, parce qu'il faut être franc: lorsque le nom de Hugues Frenette apparaît sur une affiche il y a de fortes chances pour que que l'admiratrice que je suis se retrouve bien calée dans son siège pour le regarder JOUER, et ce soir, je puis à nouveau le constater: lui avec ses joyeux comparses m'ont semblé tout autant s'amuser que des petits enfants dans un carré de sable. Ce fût une autre belle soirée passée en excellente compagnie. Et comme je le disais à M. Frenette: la saison n'est pas encore rendue à la moitié !

LES CONCEPTEURS

Une coproduction avec le Théâtre Niveau Parking
Texte de Marie Brassard, Lorraine Côté, Josée Deschênes,
Benoît Gouin, Pierre Philippe Guay, Michel Nadeau et Jack Robitaille
Mise en scène de Michel Nadeau
Assistante à la mise en scène Véronika Makdissi-Warren
Décor et accessoires Monique Dion
Assistante aux accessoires Ariane Sauvé
Costumes Marie-France Larivière
Éclairages Lucie Bazzo
Musique Robert Caux
Supervision des chorégraphies Harold Rhéaume
Maquillages Marie-Renée Bourget Harvey
Distribution: Marie-Josée Bastien, Hugues Frenette,
Marianne Marceau et Nicola-Frank Vachon

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Et parfois, avant le show, il arrive que vous entriez dans un dépanneur, celui posté juste à côté de LA BORDÉE, peut-être parce que vous avez du temps avant la pièce ou peut-être parce que vous voulez simplement vous réchauffer en feuilletant la revue d'art Le Sabord, celle avec une superbe photo d'homme-lapin de la dernière exposition de Jean-Robert Drouillard, que vous l'achetiez...pour la postérité. Et en même temps, il peut aussi arriver, si vous avez des yeux tout le tour de la tête et que vous jouissiez d'une mémoire affective pour reconnaître un comédien que vous aimé, que vous rencontriez dans ce même dépanneur un NFV qui est entrain de piquer tranquillement une jasette avec le commis...
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Ironie du sort: trois gros sacs de vidanges gelés raides au beau milieu du jardin givré de St-Roch…Mais pas de sofa à l’horizon….Qu'un abribus où on essaie tant bien que mal de se réchauffer en ce soir frisquet de fin novembre…






La petite vie tranquille d'un jardin de banlieue

Photo: L.L.





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