jeudi 8 octobre 2009

Les tenailles d'OCTOBRE




c’est l’interprétation confuse des centrales d’ordinateurs cachés aux creux de notre cerveau qui nous détruit en ouvrant toute grande la porte de l’odieux possible des monstres qui ravagent nos vies y déposent leurs crottes qui fermentent et dont l’odeur ammoniaquée nous fait perdre la tête "….je luttais contre les voix de Bob qui s’insinuait en moi, occupait mon cerveau comme les armées colonisatrices de Wolfe envahissant les plaines d’Abraham, me comptait de la liberté de mon âme qui, obsédée, tournait en rond dans sa cage et se brisait les ailes aux barreaux renforcés de ronces, c’était un somnifère (aaaaaaaaaaaaaaaaa !!!) que cette voix de Bob collant en moi comme de la glue, enrayant les bielles et les roues des mécanismes de ma pensée

victor-lévy beaulieu
la nuitte de malcomm hudd
Montréal
12 mars 1968---15 février 1969

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1er octobre: En science gén. on a fait des expériences. 1. Feu & papier 2. Nitrate d’argent. 2 octobre: Congé cet a.m. Partons chez Mémère. 3 octobre: Eu du fun au football. Fait du yoga. 4 octobre: Allée voir RED avec Papa ce soir. Très bon. Violent. 5 octobre: Allée sur rue Cartier. Acheté un disque " J’ai marché pour une nation " Pagliaro. 6 octobre: Janis Joplin est morte le 4 octobre. Cause drogue. Et Jimi Hendrix lui ça fait 2 semaines. 7 octobre: Pétition pour mettre pantalons pour aller à l’école. Ferguson prend sa retraite. 8 octobre: Contestation pour pantalons à notre école. 9 octobre: Parents sortis. Acheté encens. Hockey. 10 octobre: Allés voir Raymond au football. Écoutons l’affaire Cross F.L.Q. Pierre Laporte enlevé. 11 octobre: Allons à St-Hilaire. Acheté des pommes. Écris roman. Fun. 12 octobre: Action de Grâces. Les Berger, bon: Loto-Québec. 13 octobre: Mes dents me font mal un peu à cause du plombage. 14 octobre: Parler de la bibliothèque en lecture. 15 octobre: Vu beau film avec Michel Simon: " Le vieil homme et l’enfant ". 16 octobre: Ça va mal au Québec: guerre? Les soldats venus. Parlé de ça en géo. 17 octobre: On part dans le Nord. Allés dans le camp. Faite feu. Part avec Line. Lisons. 18 octobre: Eu téléphone de chez Mémère: le petit camp a pris en feu. Tout brûlé. Pierre Laporte a été assassiné par le F.L.Q. Très grave. Line et moi avons été faire de l’équitation. Eu du fun. Mon cheval s’appelait Catin. Galopait. 19 octobre: Parlé de l’atome en science. Fait critique des peintures en arts. Eu un A. Une dent s’est déplombée. 20 octobre: En arts plastique fait du fusain. En éducation physique, couru 300 verges en 68 secondes. 21 octobre: Je garde. 22 octobre: Vu deux gars de l’armée avec mitraillettes. Papa allé chanter à Sorel. Beau film: l’Imcompris. 23 octobre: Allée à la bibliothèque "Les patins d’argent ". Avons eu peur de deux gars. Lit. 24 octobre: Mangé au Woolworth. 25 octobre: Allée à la messe d’onze heures et ½. Heure raculée. Écoute élections: Drapeau élu. 26 octobre: Lu beaucoup ce soir. Très bon. 27 octobre: Fun avec microscope en science. Danser en éducation physique. 28 octobre: Maman m’a coupé les franges de ma veste en crinkle. Allée chez grand-maman. Baigner. Canadiens 2 Toronto 6. 29 octobre: Lu en étude: « V comme victoire ». Je garde. Je lis mon livre. 30 octobre: Allée sur rue Cartier. Acheté cadeau à Papa: chandail gris avec un zip. Nicole venue ce soir. Allons dehors. Parlons. Eu fun. 31 octobre: Martin passé Halloween. Raymond en a eu beaucoup. Nicole venue ici. Eu du fun. 7 novembre: Acheté un disque: Green eyed lady. Nicole et Sylvie aussi. 16 novembre: Hier soir grand-maman Langlois est morte. Mémère est arrivée. 3 décembre: James R. Cross a été retrouvé à Montréal-Nord. 14 décembre: Eu le câble pour T.V. couleur. 26 décembre: Allée m’acheter un microsillons de Grand Funk, 6.00$. Allée messe de 4 heures. 29 décembre: Allée faire un chemin de croix. 31 décembre: Fêtons le jour de l’an. Buvons du champagne.

Louise Langlois

Laval-des-Rapides
1970

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Vers la fin de septembre deux comédiens m’avaient demandé de leur écrire une pièce courte d’une vingtaine de minutes. Je tombais sur un entrefilet dans le journal intitulé: " Méfiez-vous des ordinateurs pour la formation des couples. " Je commençais à rédiger la pièce quand survint Octobre; un octobre pas comme les autres; un octobre qui fit battre les cœurs, un octobre qui fit résonner les têtes, un octobre blanc, un octobre rouge, un octobre que nous n’avons pas fini de comprendre. 


Robert Gurik
Préface Les tas de sièges
26 mars 1971

LA FEMME --- Tu vois pour ça on a pas besoin d’anglais. Remarque c’est tout c’qu’on peut faire si on l’parle: s’faire fourrer. (Les yeux ailleurs.) Un jour, j’l’aurai mon commerce et puis ma p’tite fille, elle passera pas par où j’suis passée. (Ils se séparent. Le soldat se reboutonne. Elle baisse sa jupe.)
LA FEMME---- T’as fini ?
LE SOLDAT--- Ouais.
(Il remet son casque. Elle va chercher sa mitraillette, la ramasse. On entend des coups de feu, elle s’écroule.)
LE SOLDAT, affolé --- Stop ! Who fired ?
UNE VOIX, des coulisses--- She had a gun ! Did I get her ?
LE SOLDAT---Yes, you did.
(Il se penche sur la femme et prend le cinq dollars qu’elle avait mis dans son corsage.)
LA VOIX---Anyway, she was an F.L.Q. : deep down the’re all F.L.Q.’s those bastards ! There is only two solutions with them : either you fuck them or you kill them.
LE SOLDAT---Well, we did both.
(Le soldat se retourne vers le mur et se met à vomir.)

Dernière scène de FACE A FACE
Robert Gurik
1971

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Mais la mort d’un homme
Assassiné dans son cachot
Ne doit pas être,
Ne peut pas être inutile.
Un nouveau temps viendra peut-être,
Un nouveau temps,
Pour qui l’homme
Ne sera jamais plus une simple marchandise.
Un nouveau temps viendra peut-être,
Un nouveau temps
Pour qui l’homme
Ne sera plus une simple marchandise.
Mais comment savoir à l’avance ?
Mais comment savoir
S’il reste encore de la liberté ?

Victor-Lévy Beaulieu
Montréal-Nord, 1977
Cérémonial pour l’assassinat d’un ministre oratorio

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Géographiquement, nous habitons un pays fêlé. Le fleuve y perce une brèche longue de mille kilomètres qui fige la mémoire et conditionne l’esprit. Cette majestueuse masse d’eau est la représentation la plus absolue qu’on puisse trouver de l’indépendance que nous ne nous sommes pas encore donnée. Les habitants de la vallée du Saint-Laurent à la fois le vénèrent et le craignent; ils chantent ses marées et pleurent ses tempêtes. Ceux qui y naviguent sans en connaître les pièges risquent de devoir faire appel à la garde côtière canadienne pour lui échapper.
Quand on se tient debout sur l’une de ses rives, il nous arrive de rêver qu’on puisse le traverser en volant, sans peine et sans misère, à la manière des lâches. Car la lâcheté est aimable; tout nous y porte naturellement.


Dans les années soixante, faisant preuve de courage, un petit groupe d’hommes et de femmes ont voulu le franchir à la nage, se donnant en exemples au peuple endormi. Mais l’aventure a mal tourné: certains s’y sont noyés, les autres ont été emportés par des courants d’eau tiède pour aller finalement s’échouer sur l’île de Cuba.

… …

Les arbres effeuillés de cette fin d’automne teignent d’un gris foncé la côte de la rive sud. Le pays tout entier appelle l’hiver pour que la mort vienne mettre un terme à cette lente agonie.

Alain Beaulieu
FOU-BAR
1997


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