samedi 16 janvier 2010

Terre des hautes montagnes

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ANMWE *



En physique, le terme résilience désigne la capacité pour un matériau à résister à la rupture. C'est le contraire de fragilité. En écologie, c'est la capacité d'un écosystème, d'un habitat, d'une population ou d'une espèce à retrouver un fonctionnement et un développement normal après avoir subi une perturbation importante. En économie, c'est la capacité à surmonter rapidement des chocs et perturbations économiques. Selon Jean-François Jaudon, l'intensité de la résilience économique durable d'un pays est proportionnelle à la lutte contre la corruption dans ce pays. En psychologie, c'est un phénomène qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l'événement traumatique pour ne plus vivre dans la dépression. La résilience serait rendue possible grâce à la réflexion, à la parole, et à l'encadrement médical d'une thérapie, d'une analyse.
(wikipedia)

[...] Pour un peuple habité par Dieu, les accablements successifs auraient-ils encore un sens ? Nombreux sont ceux qui n'ont que le mot résilience à la bouche pour décrire les Haïtiens. Mais hélas, les résilients sont avant tout ceux qui ont réussi à quitter leur île. Ou alors ceux qui ont les moyens matériels ou intellectuels de la quitter. Les autres, presque tous les autres, ces sept millions de pauvres qui vivent avec deux dollars par jour, qui sont analphabètes, sans travail, sans autres rêves que le bon Dieu et la musique et qui n'attendent que l'aide extérieure, cette charité moderne et celle plus personnelle des membres de leur famille vivant en diaspora, ces Haïtiens sont prisonniers de leur misère. Le tremblement de terre de mardi dont on ne connaîtra peut-être jamais le nombre réel de victimes risque de tuer même les survivants. En effet, comment retrouver des réflexes de vie déjà altérés par l'indigence, les injustices et une forme de déni qui s'exprime dans la glorification culturelle ? Comment renaître alors que le cataclysme plonge le peuple plus profondément dans les abysses de la détresse ? En d'autres termes, sommes-nous en train d'assister à la disparition d'Haïti ? [...]

On ne rebâtira tout de même pas des taudis, on ne reconstruira pas des bidonvilles sans service d'égout, sans route et sans électricité. La France, instigatrice de ce projet, a beaucoup à se faire pardonner, elle qui a ignoré pendant plus d'un siècle ces Haïtiens orgueilleux qui se sont affranchis d'elle. Les États-Unis ont aussi leur part de responsabilité à cause de la complaisance avec laquelle ils ont traité les dictateurs et autres potentats qui ont sévi à la tête du pays. Mais cela n'efface pas la trahison des élites haïtiennes au cours de sa tragique histoire. Le dynamisme et la séduction culturelle qu'imposent les artistes et intellectuels du pays, qui vivent pour la plupart à l'étranger, Dany Laferrière en tête, ne garantissent pas l'avenir d'Haïti. Seuls la volonté et les moyens de la communauté internationale pour refuser la disparition du pays sauveront la population d'Haïti, ces fils d'esclaves qui en s'affranchissant croyaient instaurer le bonheur sur leur terre d'adoption.

Denise Bombardier
Le Devoir, 16 janvier 2010
* HELP (en créole haïtien)


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