dimanche 2 janvier 2011

BRAD MEHLDAU/HIGHWAY RIDER: le sommet

Drive-in theatre, Las Vegas, 1987
Richard Misrach



Louise Langlois to Brad Mehldau on Facebook

« Delightful, believable, mystic and...so fine... Between the road, the sky and the drive of your soul, foreigner is on our way dear Mister Mehldau. Thank you for so much good music. »

13 août 2010, à 22:28 · J’aime Je n’aime plus · Commenter




Pour J.D. et S.G.

Par un bel après-midi de farniente et de grisaille de début d'année, des mots, écrits comme çi comme ça, à l'emporte-pièce, tout en écoutant pour la je ne sais plus trop combientième fois le mystique HIGHWAY RIDER de Mr Brad Mehldau. Un album double qui détonne dans ma petite tête depuis le printemps dernier, qui résonne (ou raisonne) déjà comme l'un des grands classiques du jazz. Et maintenant, let's play...



Disque un


JOHN BOY…c'est toute la douceur d’un début d’album double....les cors qui arrivent en trombe douce...les saxos qui les pourchassent jusque dans leur dernier retranchement…le pianiste qui nous rejoue des instants de déjà entendu, de déjà senti…l’orchestre, elle, prête à affronter le resteDON’T BE SADcomme de la pluie en janvier...et la grisaille qui l’accompagne avec la neige qui fond à vue d’œil pour le gazon qui se moque des flocons et...le petit écureuil noir qui s’amuse dans le pommier…pour l’asphalte qui est réapparue sous nos yeux d' incrédules...pour l’hiver à l’abandon, celui-là dans lequel on peut quasiment entendre le chant des grillons avec celui des violons don’t be sad…pour les pommes qui vont repousser tantôt et que nous pourrons peler à nouveau...cette inquiétante musique qui te pourchasse jusque dans le sous-sol de tes angoisses aigres-douces...don’t be sad...tant qu'il y aura d’autres jours comme celui-là... avec Brad qui jouera dedans tes écouteurs...pour le free son qui frissonne à l’intérieur de ses chansons…don’t be sad...pour le vent du saxo avec les cordes...et le piano solo qui finit toujours aussi bien ses accords avec la grisaille de ce temps maussade...don’t be sad...pour les pommes qui repousseront et qu'à nouveau nous mangeronsAT THE TOLLBOOTHce grand petit air de ressemblance avec le bleu cendre de Vincent Gagnon...comme une belle pensée...jaune...pour la route...et le poste de péage...HIGWAY RIDERla pièce à conviction de cet album majeur...la preuve que tout s’enchaîne au rythme des jours installés dans l’harmonie des battements de la batterie…des petits coups de balai sous le tapis des jours assis dans le salon...le temps d’une escapade dans le recoin d’un pays sans nom…highway rider...le long des routes, celles des flynn, jack et buffalo bill…l’engendrement des notes pour la clairvoyance des sans allures...des effluves de vieux toutou oublié sur la banquette arrière d’un station wagon 1966...le bruit des petits doigts sales qui glissent sur les vitres embuées...le souffle de l’errance...le peu qu’il te reste à mourir pour le plus qu’il te reste à vivre...le gonflement de la grande voile musicale...la vague qui te wave toTHE FALCON WILL FLY AGAINl’envolée vers la liberté des hautes sphères...le sang chaud qui circule dans les veines noires de notre destinée...le claquement de la baguette sur le rebord d’un cercle de métal...la peau d'ours des jours fendillant celle de la nuit...quelque chose comme un charmeur de serpents ou bien comme une fleur qui s’ouvrirait au vent...une envolée de plumes royales...un coup de bec sec avant le deuxième mouvement...une voix qui fait la la la la la avec des petites voix d’enfants qui chantonnent au gré de l’improvisation…la fin d’un rythme, le début d’un autre…toujours aussi beau que le premier sourire d’un nouveau-né...NOW YOU MUST CLIMB ALONEle violoncelle en solo…l’étrangeté d’un certain regard autour d’une montagne sacrée…un pied devant l’autre...le now you must climb alone…alone, like a young animal…comme s’il n’y avait plus aucune peur à le faire...comme s’il n’y avait plus aucune distance à franchir entre le ciel et la terre…l’envolée des pieds bien chaussés dans les travers abrupts de sentiers à déchiffrer…dans le revers d’une poche usée, quelques dollars de moins à gaspiller pour l’escalade des jours à rebours…et le peu qu’il te restait à raconter, plus le + qu’il te manquait à direWALKING THE PEAKet voici ce qu’il y a de plus beau dans cette musique…walking the peak...et les gros frissons qui arrivent en trombe…et le saxo qui se glisse à travers cette symphonie admirablement bien jouée…les violons qui t’assaillent au milieu de la forêt dense qu’est ta petite cervelle encombrée de toutes ces bêtes nocturnes…celles que Brad a re:dé:composé pour la postérité de l’humanité…celle qui de temps en temps aime bien s’enfermer dans les plus bas-fonds de son intimité...celle qui se surprend à aimer la stridence des cordes à valser...à condenser les mots côte à côte pour y confronter le reste de ses froides émotions à celles qui s'étaient scellées sous le sparadrap des jours à oublier…walking the peak…pour atteindre les plus hauts niveaux du sommet...pour l’art de partager ce qu’il y a de mieux avec ceux qui écouteront ce que le Pianiste avait à leur dire…pour cet air classique qui s’enchevêtre à ceux du jazz…Brad Mehldau, comme lui seul peut le faire avec sa bande de musiciens chevronnés…accoutumés…au son d'une cloche qui sonne sonne sonne, et sa voix…en échoHIGHWAY RIDER….une vraie belle randonnée dans les bois enchantés de la grande musique....

Disque deux




WE’LL CROSS THE RIVER TOGETHER…pour la suite....royale...pour ne pas être en reste de ce magnifique panorama musical…l’arrivée légendaire d’une cavalerie légère…une cargaison de notes incarcérées dans le flot mobile des ondes mehldau…la cadence d’une timbale pour les archives de cette céleste envolée…des cloches pour le recueillement des violons…la richesse des images qu’elle provoque au sein des cinq sens…tout l’infini de la finesse de l’écriture…comme la projection d’un grand film d’évasion sur un écran vide de drive-in californien…ce qu’il y a de plus beau dans ce monde…des violons encore et encore...un arc-en-ciel en plein milieu de la nuit, et peut-être même de la pluie pour les rivières en manque d’eau…et du lait de vie pour enfants affamés…et des miettes de mort pour les oiseaux…un poumon au milieu du cœur…un espace à remplir d'air frais...pour le meilleur comme pour le pire…un pur ravissement pour l’oreille cassée des tintins d'amérique et d'ailleurs…du brouhaha pour l’enfer…we’ll cross the river together...un bijou sonore découvert à temps sous un grain de sable…CAPRICCIO…entre deux plages magistrales, une petite folie à robe fleurie…un claquement de mains sur le dos d'une impro…une pirouette musicale pour oublier les moyens malheurs... pour activer le petit bonheur...pour démystifier la grandeur...pour accomplir un simple geste sans véritable conséquence…comme une dernière danse…volage…SKY TURNING GREY (for Elliot Smith)...un ciel d'enfer qui tourne au gris pour un jour pas comme les autres…une ballade en cachette dans la tête d’un ami retrouvé…un coup de main pour les notes arrachées aux racines du talent…une affriolante cadence pour entrer par la porte d’en arrière…dans un bar de malfamés du centre-ville…pour y jouer aux cow-boys ou à la Joconde…une amniocentèse dans le ventre des jours pluvieux…une balle en argent qui perce les cœurs saignants...INTO THE CITY…à la vitesse des jours sans nom, quand le bruit des avions attaque les fenêtres des buildings…quand les trottoirs s’effritent sous les pas pressés des passants aux cent soucis…quand la rage au volant sort des moteurs aux cœurs en feu…que les murs tombent en pâmoison pour la noirceur des ruelles désertes…que les doigts agiles s’agitent sur les claviers glacés…que les mains frappent fort sur les ombres cruelles…que les lumières de la ville clignotent sur les yeux de la nuit…que les bars se vident de leurs coisades…que l’heure passe trop vite…qu'une ribambelle de vieilles filles défile au bord d'ailes d'oiseaux de nuit…que les arbres s’affolent sous la tempête de leurs cris d'effrayés…que la foule se balance du reste du monde…que l’odeur de la finance se mélange à celle des essences…OLD WEST...canevas pour scénario inachevé…rideaux tirés pour toute la journée…allongé sur allongé…retour de la pureté…avachissement devant la télé…jack daniel’s sur jack daniel’s…retrouvailles d’une ancienne bande de copains à l’ouest de leurs cœurs usagés…parler pour parler…écrire pour ne pas mentir…écrire au beau milieu du dire…pencher par en avant…chevaucher la nuit à la manière d’un solitaire…rendre l’âme à son porte-feuille…payer la note des repentis…reprendre la route des gagne-petits…boire le ciel d’un coup d’œil…faire le tour du bloc ivre…rentrer dedans…dire bonjour au matin…le border…COME WITH ME…cribler ses dettes d'ennui…parachever l’œuvre à moitié finie…déverrouiller la liberté…lui ouvrir les portes de la perception…l'acclimater aux clins d’œil faits à la nuit…franchir le rubicond…emmagasiner les restants de journées fatiguées…les mettre dans un sac et les faire éclater…hacher le temps en petits morceaux…écouter Brad à nouveau…esquinter une paire de souliers neufs…sacrer comme un charretier dans la ruche dévastée…come with me honey....before the birds and the bees…ALWAYS DEPARTING…violons et violoncelles en entrée…l’enfer peut bien attendre, le ciel est à lui après tout et à nouveau à nous…comme la naissance d’une hirondelle dans le nid de la splendeur…always departing…always…ça se joue ici, comme une symphonie entre la drill et la télé….comme s'il y avait quatre jeunes enfants qui jouaient au mouse trap à côté d'un sapin de Noël artificiel…avec à travers la fenêtre de la cuisine de la neige qui ne tomberait pas…et un petit ange qui porterait une paire d'ailes neuves…always departing...le velours noir d’une pièce résolument grandiose…always departing….always…l’infinitude du pianiste transmise à ses musiciens…l’emprunt de la beauté à ses chemins sauvages de highway rider...la fuite à travers les images qu’il génère…l’artiste qui part à la guerre sur son propre champs de batailles…la victoire des violons, batteries, contrebasse, piano et saxo…la liberté étendue à plat sur le papier à musique…ALWAYS RETURNING…l’apothéose…le plein de promesses à venir pour un futur prochain…l’accord parfait d’un monde à venir…quelque chose qui est sur le point d'éclore, qui mijote sur le feu depuis l’aube des temps …always returning…comme un plongeon dans le reste de nos vies…something in the way…quelque chose d’humain…enfin…qui cogne des clous sur ton cercueil pour te réveiller de ce long sommeil...quelque chose qui arrive seulement lorsqu'on est amoureux de quelqu'un qui se soucie de vous…comme la joie du sourd d’entendre à nouveau jouer le printemps dans son tympan…la suite logique d'un émerveillement spontané… la feuille qui sort du bourgeon...la sève qui coule le long de la vieille écorce…la vie…l’éveil...


HIGHWAY RIDER, un baume surnaturel pour soigner les grands comme les moins grands tourments..







2 commentaires:

  1. Tiens! Le bazar du hasard. Cet après-midi même, roulant vers la grosse bête qui dort, c'est ainsi que j'appelle la montagne de St-Hilaire, sur le Chemin Émile-Borduas, il n'y avait qu'on seul CD dans la boîte à musique du char. Et c'était celui de Me Brad, en trio épatant. Un beau retour dans les oreilles jusqu'à Montréal. Puis, voici vos mots.

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  2. Cet album double est vraiment un bijou sonore, quelque chose qui jouera encore longtemps dans mon lecteur, mais l'entendre en live résonnerait encore mieux dans mes oreilles.

    À propos de Brad, je vais finir par finir mon Admission, ce sera peut-être un cadeau d'anniversaire. ;-)

    Merci du passage, ça fait toujours plaisir...vraiment.

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