vendredi 8 octobre 2010

LA FANFARE: Du sable dans la tête

KANDAHAR


La forêt, c'est du cash,
faut qu'elle passe à la hache

Le Port
Décembre en Chute Libre


Down, down. Down, down.
The star is screaming.
Beneath the lies. Lie, lie.
Tschay, tschay, tschay.
CAREFUL, CAREFUL,
CAREFUL WITH THAT AXE *,
EUGENE
The stars are screaming loud.
Tsch.Tsch.Tsch.

Roger Waters
A saucerful of secrets





La chair à canon est le nom donné au personnel militaire que l'on est prêt à sacrifier au feu ennemi, pendant un engagement armé, malgré de probabilités de victoire très restreintes. L'expression désigne donc généralement des soldats peu qualifiés ou mal formés dont l'intérêt tactique est d'offrir une résistance momentanée à une force adverse.
(wikipedia)



LA FANFARE, première des neuf pièces 2010-2011 présentées chez Premier Acte, est intense et remuante. Elle est produite par le Théâtre du temps qui s'arrête et mise en scène par le jeune et fougueux Lucien Ratio et ses énergiques interprètes.

***

La salle n’était peut-être pas tout à fait remplie mais occupée par un public qui l'habitait. Du rire jaune clair au noir silence, supportée par la musique de Décembre en chute libre, cette pièce raconte l’histoire d’Eugène, un jeune homme des forces armées canadiennes de retour d’Afghanistan, qui s’était enrôlé…pour les voyages… Il se trouve un emploi dans un magasin de musique et essaie tant bien que mal de s’incorporer à ses nouveaux compagnons qui, après le travail, jamment ensemble. Ils perçoivent tous la certaine difficulté d’être d'Eugène, celle qu’il vit intensément sous leurs yeux... et les nôtres, SON syndrome de stress post-traumatique ** le rendant quelque peu inaccessible.

Le corps érodé du texte au vent qui parle pour mieux se taire, des bras offerts à une taille fine pour un dernier slow, un étranglement muet sur la voix d'un père nourricier, le bruit du sable fin dans une tête en miettes, de la lave entre les derniers mots pour une chanson d'à venir, le désistement de la vie, l’appel de la mort, le plus long des voyages…Bonne nuit, mon petit, c'est le marchand de sable qui te le dit...

Thomas Gionet-Lavigne, Eugène, c’est celui-là même qui avait écrit et joué dans ROUTE l’hiver dernier, une performance décrivant la dérive californienne d'un certain Jack, un solo qui m’avait révélé ce jeune comédien d'ici. La dureté de sa voix déplace le cœur du Spectateur de son orbite habituelle, sa voix qui porte loin et dur autant qu'elle peut être contenue dans l'enfermement de son malaise interné. Et ses yeux, qui ont l’air d’avoir eu vraiment mal. Un rôle physique et exigeant. Une prestation qui adonnait très bien avec la nouvelle du jour d'hier: cette publicité (controversée) d’une mère qui a " perdu " ses deux fils là-bas, l’un sous les balles, l’autre dans sa tête…Lucien Ratio, dans le rôle du petit Marc, " Marcus ", c’est la fougue, le mordant, l'intelligence à la fine pointe de la nouvelle folie des grandes heures, un comédien qui sait donner SA place aux autres et aussi un brillant auteur. Il est plaisant de suivre son cheminement professionnel, au rythme où s'enclanchent ses projets on peut s’attendre à une carrière remplie de promesses. Sophie Thibeault, Anne-So, LA fille au milieu du band de gars; le pétillement dans l’œil, l’eau au moulin et une superbe voix. Denis Lamontagne, père d'Eugène, qui l'embrasse, l'étreint, le borde, sensible qu'il est à ses problèmes, le père qui pleure, le père qui touche... Jeanne Gionet-Lavigne: une poignée de sable dans le rire de la poésie, la pureté de l’émotion, la recherche de " l’autre " à travers une langue étrangère qui devient de plus en plus familière, une fleur invisible derrière un barbelé...

Et la Musique, celle qui adoucit les meurtres en trouant la corporation de la pièce, est celle du groupe Décembre en Chute Libre. Elle est manipulée par Jonathan Saillant (batterie), David Robin (basse), Charles Bernadet (guitare) et Lucien Ratio (vocal). Exceptionnellement pour la pièce, Sophie Thibeault s'est ajoutée au band, et quelle addition ! En tout cas ce fût une sacrée belle opportunité de faire connaître le groupe, leur CD devant être lancé officiellement sous peu.

À la scénographie, Jean-François Labbé ...quelques caisses de M16, des pierres, de la lumière, un rideau, une clôture frost, et du sable... Il faut souvent très peu de choses pour passer un grand moment...sous l’œil extérieur de Kevin McCoy ...;-)

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Une belle rencontre dans la salle aux nouveaux sièges confortables, tout juste assise à mes côtés: Karine Ledoyen, de la compagnie de danse K par K. L'ai reconnue seulement après avoir fait une recherche sur le spectacle AIR, qui sera présenté à La Rotonde les 19, 20 et 21 janvier 2011.

Le hasard a voulu que, sans savoir qui elle était, je lui parle de mon désir d'assister à certains spectacles de danse dont le singulier CABANE, de Paul-André Fortier et Rober Racine, artiste visuel, écrivain et musicien. Le monde est souvent très petit à Québec et c'est bien tant mieux. Et à la sortie, un peu devenu comme une bonne habitude ;-), le croisement avec Jean-Michel Girouard, qui sort de son multidisciplinaire VERTIGES (que je n'ai malheureusement pas pu voir). Toujours aussi tout feu tout flamme, il jouera dans LA LOCANDIERA au printemps prochain et assistera Marie-Josée Bastien dans la mise en scène de ...ET AUTRES EFFETS SECONDAIRES, pièce que je retournerai voir pour sûr, autant pour le texte que pour les comédiens.



La conclusion: enthousiasmés par la nouvelle saison, qui ne fait tout juste que commencer, il nous est d'ores et déjà convenu que nous aurons à nouveau plusieurs autres bonnes et fructueuses récoltes d' à venir...avant, pendant et après les flocons.


ROUTE 


* Il y a un jeu de mots car "Axe" est aussi appellation familière de "guitare électrique" dans le jargon musical.

** Cauchemars, flash-back, troubles du sommeil et de la mémoire, sentiment d'isolement, désespoir, culpabilité, agressivité, alcoolisme et suicide.


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