samedi 23 octobre 2010

VINCENT GAGNON QUINTETTE: Pleine l'Une pour chemins croisés



Capable de voir en clair le mouvement de vos pareils, si vous croyez encore à la liberté c'est que vous êtes le captif des grandes vésanies.

Louis Scutenaire
Mes inscriptions 1943-1944
p.64

Au moment où je tape ces lignes, LA LUNE scintille, c’est celle de Guillaume Bouchard, l’excellent contrebassiste du Cas GB et du VINCENT GAGNON QUINTETTE, que j’ai eu le plaisir d’entendre pour la première fois hier soir au Café-Spectacle du Palais Montcalm, il l’interprète brillamment. Aucune espèce de regret d’avoir investi 20 dollars dans la Culture. Céder ainsi à ma grande qualité d’acheteuse compulsive aura toujours de ses "bons côtés "…

J’ai pu ainsi retrouver l’ambiance d’hier soir: coups feutrés de balais légers, souffles frais venus de bouches chaudes, musique d'inspiration, mettant des mots là où il n’y en avait pas il y a quelques secondes, qui ravive le reste à écrire, qui fait bon se souvenir et à partager ici et là…

Dans une salle bien remplie, Vincent Gagnon a pris tout l’espace qui lui avait été confiné et...le Steinway...aux cordes bien ajustées par un certain M. Lapointe. Une atmosphère invitante à l’écouter presque religieusement. Un public noble. De la poésie plein les doigts, ce dès la première pièce: ARLEQUIN, qui ne figure pas sur BLEU CENDRE, entamait superbement bien ce set de quelques deux heures et demies. Une agréable surprise pour l’Auditrice de la première rangée. La place était déjà réchauffée. SEUL COMME UN ROI…dans le Palais...Que dire sur cet admirable morceau en forme de poire ? Qu’on a l’impression d’être venu ici exprès pour entendre un descendant direct d’Erik Satie, rien de moins…




BELLES JOUES SUR PARIS, qui n’avait pas été jouée depuis un bon moment, a tout fait pour que je souhaite ardemment qu’elle soit installée sur le prochain disque…(C’est BLUES AU SIXIÈME qui joue en ce moment, vraiment entraînant)…La no-name, si triste à vivre, composée dans un moment heureux, comment la nommer ? PORTES OUVERTES, j’ai aussitôt pensé, peut-être à cause de celles qui l’étaient, aussi grandes que ces précieux moments que nous vivions, aussi accueillantes que celles par où je suis entrée dans le hall du Café-Spectacle…

Les rideaux cachaient les fenêtres, on ne pouvait donc pas voir le vent souffler fort et balayer les feuilles; vrai que nous étions venus pour entendre celui qui sortirait pleins poumons des saxos de Michel Côté et d'Alain Boies, de même que celui qui réveillerait des cordes de pianos morts, ou encore de celui qui effleurerait l'essence de la contrebasse, tout autant que celui qui réchaufferait la peau fine de la batterie de François Côté...

THÉO, le frère de Jack, qu’a créé l’écrivain Jacques Poulin pour quelques uns de ses bijoux de romans, l'un des plus beaux mystères de la Littérature Québécoise. Entendu son âme vagabonder dans la petite salle de 120 places, (ça m'a fait penser à une éventuelle scène pour L'Admission)…

(ANNETTE s’est immiscée entre mes deux écouteurs, et mes oreilles en pincent pour les cordes de la guitare d’André Lachance)…L’EMMERDEUR, comme je ne l’avais pas toujours entendu, ce duo/duel saxo-clarinette a eu de quoi faire applaudir généreusement le public jusque là poli et réservé. (Tiens, c’est LA GUITARE qui me parle maintenant, vraiment de toute beauté, tellement que j'ai cessé d'écrire sur hier pour me concentrer sur aujourd'hui. Obnubilée, je me suis ensuite laissé envahir par les CHEMINS CROISÉS, les mêmes que ceux du BLEU CENDRE, ici, c’est la version du Cas GB, toute aussi somptueuse que celle du quintette)…

À lire le plaisir dans les yeux, sur les lèvres (et les belles joues) des musiciens, on pouvait tout de go conclure à une énergisante complicité, celle qui fait que l’Amateur, qui souvent ne joue d’aucun instrument lui-même, à part celui de sa voix, peut réellement saisir que lorsqu’il ferme lui-même ses yeux…APRÈS L’UNE, LA pièce de résistance tant attendue de ce magnifique premier disque du quintette, celle que le leader préfère (ainsi que l’Auditrice); une pièce qui lui a d’ailleurs valu de remporter le prix de composition lors du Festival de Jazz de Montréal en 2009…

(L’APRÈS-MIDI DE NOËL…ne manque plus que la petite neige douce qui tombe (et le gros mal de tête du lendemain de réveillon)

Après l'une, plus que toutes les autres, rend hommage à l’immense talent du jeune virtuose compositeur qu’est Vincent Gagnon, l’âme sensible de ce groupe ré:créatif. Concentrée dans l’espace réservé aux grands musiciens de ce monde d’éclaboussements, elle forme des vibrations haut-de-gamme accordées au silence du chant qui l’accompagne, un chant qui réveillerait les morts...et les pianos...morts…

(BON VOYAGE, ou comment avoir le goût de tout lâcher, de se rendre à l’aéroport, ou à la gare, d’acheter un billet (gagnant) et de partir là où le vent des cordes t’emmènera de la fin octobre au début novembre…)



(C’est LA LUNE à nouveau, pour me souvenir de celle qu’il y eut hier soir; la toute pleine, avec sa blanche rondeur, entre le doré des feuilles mortes qui resteront accrochées encore pour quelques jours et le ciment froid des trottoirs gris de René-Lévesque…pas très loin du FAUBOURG SAINT-JEAN BAPTISTE, ce quartier-personnage qui installe ses propres histoires, vécues ou inventées…


***


Une curiosité: ma Timex water-proof s’est arrêtée à 20:30 pile, alors que le concert commençait. Un concert hors d’ondes pour le nouveau-né qui dormait paisiblement entre ses rêves et notre réalité. Une nouvelle vie qui re:commence, une autre de plus, un autre petit garçon qui peut-être suivra les traces de son pianiste de papa…

Au même moment, dans la Ville, au Théâtre Petit-Champlain, "Joli Joseph " (Arthur) donnait apparemment toute une performance lui aussi, en solo cette fois. Avoir eu le don d’ubiquité, j’aurais sûrement fait partie de l’assistance, mais on ne peut pas encore être à deux places en même temps, quoique…

Ce soir, dans ma ville, il y a un autre happening musical, c’est celui des Jeunes Musiciens du Monde, avec entre autres messieurs Yann Perreau et Alex Nevsky, qui curieusement se trouvaient tous deux à Québec à pareille date l'an dernier. Le 22 octobre, je me souviens: il avait neigé toute la journée ou la veille, c'était tellement beau à voir toute cette neige reposant sur les feuilles sèches.

(BLUE TRUCK, version Guillaume Bouchard, c’est sa composition après tout…toujours cette envie de prendre ses jambes…à ses joues…pour déguerpir vers un quelque part sans nom…)

11:24, samedi midi presque, la résonance de la soirée d’hier se répercutera encore longtemps dans la petite tête de la madame éblouie, celle qui parle beaucoup mais qui sait écouter…quand c’est le temps…(BLUES DE L’AVIATION…je le savais, on est sur les ailes d’un grand oiseau de nuit, un hibou qui regarde une petite souris affolée qui court dans tous les sens pour ne pas se faire prendre dans le bec du rapace…une forêt de sièges d’avion dans lesquels prennent place des voyageurs, des grands, des petits; ils iront peut-être à Paris, ce Paris qui vous a un jour accueilli avec une salve d’engueulades parce que vous étiez en panne…dans son traffic…rempli de notes salées !!! 11:30…6 minutes ont passé, il est encore temps de s’envoler...)

Entre deux couches, une tétée, un pleur et un rêve, UNE DERNIÈRE VIRÉE…ou quelque chose qu’on aimerait bien se payer avant de quitter définitivement cette ville qui y retient une partie de ton essentiel, quelque chose comme une bière importée, ou un Jack Daniels (and coke), ou un trip dans le sable de la Californie, juste pour revoir Laguna Beach ou pour aller flâner à Ellé…pour se refaire une vieille beauté, pour y rencontrer inopinément la coquerelle au plafond de la chambre d’hôtel 2 étoiles…pour revoir le sel de la mer et le bleu ciel du Pacifique...J’ai donc appelé chez Sillons le Disquaire " qui aime la musique " pour savoir s’il avait en stock une copie du HAPPY BLUE de Guillaume Bouchard et Michel Donato ... " Oui, on l’a, alors svp, vous pouvez me la réserver, je passerai mercredi. Merci.» 








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