vendredi 11 septembre 2009

Une confession nature




Hier, tout se passait dans la tête, dans l'esprit, dans les livres, à l'écoute d'une voix intérieure. Aujourd'hui tout se passe devant les yeux, dans l'espace, sous la dictée des voix extérieures. Mais il n'y aura rien en l'an 2000 qui n'existe déjà. Tout au plus quelques portes fermées derrière soi.

Mais chaque livre de littérature est un prototype. Il est évident que des écrivains prendront plaisir à utiliser l'ordinateur. J'en connais quelques-uns qui jouent déjà avec leur écran comme d'autres jouent aux échecs. Ils ont formé un club social remarquable, puisque tous les écrivains de l'Amérique du Nord qui ont l'ordinateur à la maison peuvent par exemple correspondre, échanger des textes, entreprendre, par micro-ondes, des projets en commun. Mais entre une lettre, livrée instantanément par ordinateur, et le courrier paresseux que nous connaissons, il n'y a que le facteur temps qui change. Ceux qui sont pressés ont donc à leur disposition des outils plus rapides. Mais qui est pressé ?

JACQUES GODBOUT
Écrire en l'an 2000
in LE MURMURE MARCHAND (1976-1984)
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Hier, tout se passait dans ma tête, dans mon esprit, dans les livres, à l'écoute d'une voix intérieure....À la librairie Legendre des Galeries de la Canardière, des livres, des vieux livres, des milliers de livres, la plupart usagés, et parmi eux, LA GRANDE TRIBU, celle du non moins grand Victor-Lévy Beaulieu. Une brique offerte à seulement 24.95 $, au lieu de 39.95 $. Un livre d'occasion. Pratiquement encore neuf, comme si ça avait été un fantôme qui l'avait lu. Sans aucune espèce d'hésitation, je le pris. Une autre histoire à lire, pour l'hiver qui s'en vient...Mais avant, LE MURMURE MARCHAND, coincé entre deux autres Godbout, dont L'INTERVIEW, un texte radiophonique coécrit avec Pierre Turgeon. Un tout petit livre. Rouge. 59 pages. Qu'une certaine Guylaine Auclair de Charlesbourg, rue N.D., avait feuilleté en 1973...La vie d'un livre ne s'arrête jamais là....
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Chico Tremblay, 33 ans, gunman de la pègre montréalaise, caché dans un hôtel de la Rive-Sud, attendant de faire face à ses assassins, répond aux questions d'un journaliste qui le fera parler de son enfance, de ses amis, de ses expériences...
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CHICO --- O.K., j'allais à l'école commerciale. Mon père voulait que je prenne son business alors il m'a envoyé faire le cours commercial. T'sais des comptables, faire des additions. Mais moi je figurais que je travaillerais jamais. Comme mon père qui laissait son manager s'arranger avec toutes les bébelles. Il avait un avion, il partait à la chasse dans le Nord avec des chums. Il lui manquait un oeil à mon père, il portait un oeil de vitre. Quand je me suis retrouvé à Lachine, il a fallu que je me mette à travailler. Avec mon cours commercial pas fini, tout ce que je pouvais faire, c'était travailler comme commis de bureau. Avec un cerveau électronique qui corrigeait mes calculs. On était quatre ou cinq, on se réunissait au coffee break. Tous les gars essayaient de trouver un moyen de fourrer la compagnie. Parce que des fois on avait $ 5,000 à descendre du 15ème étage jusqu'à la banque en bas. Mais ils checkaient. Ils te donnaient 2 minutes pour descendre. Après ça ils téléphonaient pour savoir si t'étais rendu là. Des comptables avaient essayé des hosties de patentes à gosses avec les ordinateurs. Ils s'étaient tous faits fourrés. Sauf un. Celui-là il s'était sauvé en Floride, c'est ce que les gars au bureau disaient. Mais c'était drôle. Tout le monde essayait de fourrer la compagnie.

JOURNALISTE --- Il y avait pas de moralité ?

CHICO ---Ah! de ce côté-là, non. Parce que nous autres, on voyait que la compagnie n'en avait pas d'hostie de moralité. La companie était plus bright que nous autres, c'est toute. C'est là que j'ai pensé à mon premier coup.

L'interview
Leméac - 1972 ( premier prix du Concours des oeuvres dramatiques de Radio-Canada)


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